Juste avant le confinement, Johanna Dan Reuter a eu l’idée de transformer sa passion du partage en carrière. La Gonette est allée à sa rencontre pour en apprendre un peu plus…
Pourquoi avoir ouvert un café ?
C’est une reconversion. J’aime bien nourrir le monde, c’est ma manière de participer à l’équilibre du bonheur mondial. Quand on donne à manger ou à boire quelque chose de bon à quelqu’un, ça le rend instantanément heureux en fait, il sourit. Et donc c’est quand beaucoup plus efficace pour moi que de faire des réunions.
Est-ce que vous aviez déjà des bases dans la gestion de café ou dans la cuisine ?
Alors je n’avais pas de base dans la gestion d’un café vu qu’avant je faisais des réunions. J’aimais beaucoup nourrir les gens de manière générale. J’avais passé il y a plus de 10 ans un CAP cuisine et un CAP pâtisserie en cours du soir à la mairie de Paris à l’époque mais sans le transformer en profession potentielle. J’avais déjà eu l’occasion de cuisiner pour plein de gens, mais pas du tout de manière professionnelle, plus ponctuelle et pour des amis.
Pourquoi le nom « SoMos » ?
Somos, ça veut dire « nous sommes » en espagnol et parce que pour moi ce mot c’est une manière d’être au monde. C’est : je suis parce que nous sommes. C’est le trait d’union entre les gens qui vont produire des matières premières, moi qui la transforme, vous qui la mangez. C’est aussi un palindrome et j’adore les palindromes, le mot qui se lit dans les deux sens.
Quelles sont les valeurs et les spécificités de ce café ?
Le plan, c’est de nourrir les gens, de leur faire du bien et de faire du bien à la planète en même temps. On cuisine que du végétarien et que des produits de saison, on se fournit auprès de gens qu’on connaît. On sait que tout ce qui est produit ici, tout ce qu’on transforme ici pour être un joli petit plat, ça a été fait par, normalement, des gens sympas, j’espère. On a à cœur de travailler avec des produits bio, des agriculteurs responsables et raisonnables.
On est extrêmement attentif à faire le moins de déchets possible. On se fournit en vrac au maximum, on a un système de compost, c’est payant pour les pros. On a Oui Compost, qu’on paye en gonettes régulièrement. Toutes nos boissons sont bio, parce qu’on essaie d’aller au maximum vers le bio même si on ne l’est pas à 100%.
L’idée, c’est de faire vraiment de la nourriture pour le corps et pour l’âme en même temps. C’est là ce que j’appelle moi, la nourriture doudou, réconfortante et vraiment nourrissante.
Est-ce que c’est dur d’être en circuit court et de trouver des prestataires locaux et bio ?
Alors, à Lyon, on a quand même un bon réseau. Pour moi qui suis arrivée dans la profession sans avoir d’expérience, j’ai trouvé quelques petites épiceries comme par exemple l’épicerie De l’autre côté de la rue. Je les connaissais avant parce qu’ils étaient ouverts aux particuliers.
Mais avant tout c’est grâce à Louise, qui travaille en cuisine et qui était au Bieristan avant. C’est un restaurant qui a cette dynamique là, et d’ailleurs, qui est aussi dans le réseau de la Gonette. Elle m’a apporté beaucoup de petits fournisseurs, ce qui m’a permis de viser de plus en plus le local et de plus petits producteurs. Le problème des petits producteurs, c’est qu’ ils ne vont pas mettre plein d’argent dans la publicité, dans des commerciaux qui font du porte-à-porte. Ils sont occupés à produire. Donc sans Louise, je n’aurais jamais découvert que dans l’Allier, il y avait Le petit moulin de Gribory, qui est un des plus anciens moulins de l’Allier, voire le plus ancien moulin. Il fait une super farine bio de blé, de châtaigne, de riz, de maïs. Sans avoir déjà un premier réseau c’est délicat, mais après une fois dedans c’est plus facile.
Pourquoi avoir adhéré à la Gonette ?
Parce que je n’aime pas le monde capitaliste tel qu’il est. Je n’étais pas forcément enthousiasmée par une monnaie uniquement locale. Autant j’aime travailler avec des gens identifiés, autant avoir une valeur d’échange commune avec partout dans le monde, ça me va mais la valeur monétaire, bof. On revient avec la Gonette, pour moi, un peu plus au système du troc. L’argent supplémentaire qui dort, plutôt que d’aller alimenter les gros projets industriels, je sais qu’il va venir soutenir des plus petites industries. Ces industries qui sont beaucoup plus cool pour la planète, l’environnement et donc pour les humains. La planète est humaine et pareil, je ne veux pas polluer parce que je ne veux pas qu’on fasse du mal ni à la planète, ni aux humains donc voilà.
Est-ce que vous avez des difficultés à
ré-écouler vos gonettes ?
Moi j’arrive à réutiliser 100%. Je pourrais d’ailleurs en passer beaucoup plus. J’achète mon café à Label(le) brulerie en gonette. Je paye mes factures Oui Compost en gonette. Mais si j’avais plus de paiements dans cette monnaie, je pourrais faire encore plus. Je le fais que ponctuellement.
On fait à manger pour d’autres lieux, par exemple Le Rancard qui me paye assez régulièrement une partie des factures en gonette. Avec les gonettes numériques, c’est très simple. Pour les gonettes papier, si je vais ponctuellement acheter du pain à Canaille à Pétrin ou à la Boulangerie Mado, je peux passer mes gonettes papier ou décider que le café SoMos nous invite à boire un verre. Je vais pouvoir payer mon liquide en liquide !
Où est-ce que vous vous voyez dans 10 ans ?
J’aimerais bien continuer à nourrir les gens parce que c’est chouette. Je me suis découvert une passion pour le service en salle, parce que c’est beaucoup Louise qui fait la magie dans les assiettes. Moi je vais faire beaucoup de services, des cafés, des boissons chaudes, etc. Offrir une bulle, une parenthèse de tranquillité, de douceur aux gens. Je trouve ça génial. Donc j’aimerais bien continuer à faire ça dans un lieu potentiellement un peu plus grand. Un café qui ne s’appellerait pas SoMos parce que voilà, mais qui continuerait à proposer des petits déj et des et des petits plats chauds à 12h00 pour se faire du bien. Continuer dans cette lignée-là…